Il est temps d’interdire les interpellations policières
MONTRÉAL, le 11 déc. 2024 /CNW/ – La Ligue des droits et libertés (LDL), la Ligue des Noirs du Québec, l’Association des avocats et avocates de la défense (AQAAD), le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN, la Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM) et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) s’unissent contre les interpellations policières (street checks) et exigent l’interdiction de cette pratique arbitraire.
L’interpellation policière est une source connue et documentée de profilages racial et social systémiques. Les personnes autochtones, noires et racisées ainsi que les personnes en situation d’itinérance, les personnes aux prises avec des enjeux de santé mentale, les personnes travailleuses du sexe, les personnes utilisatrices de drogues et les personnes marginalisées dans l’espace public, sont interpellées de manière disproportionnée par la police et subissent quotidiennement des violations de leurs droits et libertés.
La Commission de la sécurité publique tiendra aujourd’hui à 15 h une importante assemblée publique portant sur le 2e rapport sur les interpellations policières publié en juin 2023, qui s’était révélé accablant. Les organisations exigent que la seule recommandation de l’équipe de chercheur-euse-s indépendant-e-s soit mise en oeuvre immédiatement : un moratoire sur les interpellations. Les organisations dénoncent le rejet de cette recommandation par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en 2023 et le silence de la Ville de Montréal qui permet aux policiers de continuer à faire des contrôles d’identité arbitraires et de brimer les droits et libertés. Elles estiment également que la politique sur les interpellations, même bonifiée, n’est pas une solution.
Les organisations rappellent qu’en septembre 2024, la Cour supérieure a reconnu dans la décision Ligue des Noirs du Québec c. Ville de Montréal que l’interpellation est une source de profilage racial.
Plus de 100 organisations ont signé la déclaration Pour l’interdiction des interpellations policières au Québec dans la foulée d’une vaste campagne lancée en février 2023.
Il est clair que la Ville de Montréal n’a plus le choix d’agir.
Citations
Ligue des droits et libertés
« Pendant combien de temps encore la Ville de Montréal va-t-elle accepter que les droits et libertés des citoyen-ne-s soient bafoués par des contrôles d’identité arbitraires? Combien d’autres poursuites civiles et recours collectifs contre la Ville de Montréal avant qu’elle mette fin à la pratique arbitraire des interpellations policières? » déclare Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.
Ligue des Noirs du Québec
« La Cour supérieure du Québec a été clair le 9 septembre 2024 : la Ville de Montréal est responsable du profilage racial systémique pratiqué par le SPVM par sa pratique d’interpellation. Dans les circonstances, la Ville n’a pas plus choix : elle doit interdire totalement les interpellations policières, maintenant. La Ville doit agir raisonnablement et non sur la base d’une volonté policière de conserver une pratique qui met en danger les citoyen-ne-s » déclare Max Stanley Bazin, président de la Ligue des Noirs du Québec.
Association des avocats et avocates de la défense
« L’interpellation policière est une pratique attentatoire aux droits et libertés qui ne figure pas parmi les pouvoirs policiers reconnus. Un policier ne devrait pas tenter d’obtenir les renseignements identificatoires d’une personne en dehors du contexte d’une enquête policière ou en l’absence d’un motif raisonnable de soupçonner (soupçon raisonnable) un lien clair entre la personne et une infraction criminelle récente ou en cours » déclare Me Alexander Grey, représentant pour Montréal de l’Association des avocats et avocates de la défense (AQAAD).
Conseil central du Montréal métropolitain-CSN
« Le profilage racial et social est un problème qui nous concerne tous et toutes. Nous sommes préoccupées par les récits d’interpellations policières de travailleurs et travailleuses de la CSN lors de leurs déplacements à pied dans la Ville, dans certains cas à la fin de leur quart de travail le soir. Le CCMM-CSN appuie la revendication pour l’interdiction des interpellations à Montréal » déclare Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN.
Table des groupes de femmes de Montréal
« Les enjeux de profilage sont souvent associés au sexe masculin, mais les femmes et les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre y sont également confrontées, particulièrement les femmes autochtones, les femmes en situation d’itinérance et les personnes travailleuses du sexe » déclare Laura Carli, travailleuse à la Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM).
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
« En 2020, le RAPSIM révélait dans son 5e portrait de la situation dans l’espace public montréalais que 52,3 % des personnes en situation d’itinérance avaient été interpellées au moins une fois lors de l’année précédente ; c’est une surreprésentation accablante » déclare Jérémie Lamarche, organisateur communautaire au RAPSIM.
Association canadienne des libertés civiles
« Il n’y a rien d’aléatoire aux interpellations policières. Cette pratique discriminatoire nuit aux communautés noires, autochtones, arabes et à d’autres communautés racialisées qui sont touchées de manière disproportionnée par les interpellations policières » déclare Anaïs Bussières McNicoll, directrice du programme des libertés fondamentales à l’Association canadienne des libertés civiles. « La recherche démontre que les interpellations policières n’offrent aucun avantage en matière de sécurité publique. Il est grand temps de mettre fin à cette pratique néfaste ».
Lettres d’appui
Des organisations impliquées dans la lutte contre les interpellations policières et le racisme systémique à l’échelle du pays ont transmis aujourd’hui des lettres aux membres de la Commission de la sécurité publique. Elles expriment leur soutien avec la revendication pour l’interdiction des interpellations à Montréal et au Québec.
African Nova Scotian Justice Institute (ANSJI), en Nouvelle-Écosse
British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA), en Colombie-Britannique
Association canadienne des libertés civiles
Faits saillants
Déclaration signée par plus de 100 organisations, Pour l’interdiction des interpellations policières (street checks) au Québec.
L’outil 10 Questions et réponses publié en février 2023 permet de clarifier le sens que donnent les services de police au mot interpellation, tout en expliquant pourquoi il est nécessaire d’interdire formellement cette pratique policière arbitraire.
Lettre ouverte des chercheur-e-s, Pourquoi avons-nous recommandé un moratoire des interpellations policières sans motif?, La Presse, 13 juillet 2023.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) recommande aussi l’interdiction des interpellations.
Rapports entre les Montréalaises et les forces de police et de sécurité et de la STM, Rapport de la Table des groupes de femmes de Montréal, 2023.
Qu’est-ce qu’une interpellation policière ?
Une interpellation (street check) est un contrôle d’identité arbitraire dans l’espace public. Il s’agit d’une situation où un policier tente d’obtenir l’identité d’une personne et de recueillir des informations auprès d’elle, alors que la personne n’a aucune obligation légale de s’identifier, ni de répondre aux questions.
Les informations peuvent ensuite être enregistrées par le policier dans une base de données à des fins de renseignements policiers, ce qui constitue une collecte abusive d’informations.
L’interpellation a lieu à l’extérieur du contexte d’une enquête policière et ne compte pas parmi les pouvoirs policiers reconnus en matière d’arrestation et de détention. Elle a lieu dans l’espace public et vise les personnes piétonnes ou passagères de véhicule.
Les policiers n’ont pas le pouvoir au Québec de faire des interpellations en vertu de la loi ou de la common law.
Il est important de distinguer l’interpellation et l’interception routière sans motif (en vertu de l’article 636 du Code de la sécurité publique) deux pratiques distinctes.