Historique
Le Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM–CSN) reconnu comme l’une des organisations plus combatives du milieu syndical, est riche d’une histoire de luttes syndicales, sociales et politiques qui la placent au cœur de l’histoire syndicale du Québec.
1920-1960
L’ancêtre de l’actuel CCMM-CSN est le Conseil central des syndicats catholiques nationaux de Montréal (CCSNM). Il a été fondé le 20 février 1920 par les délégués de six syndicats : le Syndicat des employés de magasin, l’Union des travailleurs de la chaussure, le Syndicat de Dupuis et Frères, le Semi-Ready Tailoring, le Syndicat des plombiers et le Syndicat des menuisiers. Leur volonté était d’outiller les travailleuses et travailleurs sur le plan syndical et politique. Près d’un an plus tard, on dénombre déjà 23 syndicats au CCSNM.
Le 24 septembre 1921, le conseil central participe, avec les délégués des conseils centraux de Hull, de Québec et de Granby, à la fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), qui deviendra, en 1960, la Confédération des syndicats nationaux (CSN). D’ailleurs avec le temps, le Conseil central prendra ses distances de l’Église. Alors qu’à ses débuts un aumônier jouait le rôle d’autorité morale dans les débats du CCSNM, l’organisation se détachera progressivement de l’influence cléricale jusqu’à se laïciser complètement à partir des années 1960.
Dès le départ, le CCSNM a appuyé la lutte des travailleuses et travailleurs pour l’amélioration de leurs conditions de travail, souvent pénibles au début du vingtième siècle. Il a pris part à de nombreuses grèves emblématiques qui ont laissé une trace dans l’imaginaire québécois: qu’on pense à celles des ouvriers du transport contre le One man car durant les années 1920, des ouvrières de la Dominion Textile en 1946, à la grève de l’Amiante à Asbestos en 1949, à celle de Murdochville huit ans plus tard, à la grève chez Dupuis Frères en 1952 ou à celle des réalisateurs de Radio-Canada en 1958. Il est à noter que quelques-uns de ces conflits se sont déroulés en dehors du territoire du Conseil central, ce qui ne l’a pas empêché de prêter main-forte aux travailleurs et travailleuses.
Depuis un demi-siècle, le CCMM-CSN a adopté plus ouvertement une position de contestation des pouvoirs politiques qui ne se dément pas, et qui n’épargne aucun gouvernement, municipal, provincial ou fédéral. La lutte contre le duplessisme dans les années 1940 a été suivie de la résistance à la très réactionnaire administration Drapeau à Montréal durant les années 1960 et des affrontements avec le gouvernement fédéral dans le dossier des « gars de Lapalme », l’une des luttes les plus marquantes de l’histoire du Conseil central.
Années 70
L’action au niveau municipal s’est concrétisée par une contribution importante à la mise sur pied du Front d’action politique (FRAP). N’eût été de l’adoption des mesures de guerre lors de la crise d’Octobre de 1970 et d’une campagne de propagande soutenue de la part des forces réactionnaires de la région, ce parti politique ouvrier semblait devoir connaître un certain succès électoral. Deux des candidats du FRAP aux élections de 1970 étaient d’ailleurs membres de l’exécutif du CCMM.
La création du Comité régional intersyndical de Montréal (CRIM) LIEN, à l’initiative du Conseil central mené par Michel Chartrand, illustre aussi cette volonté affichée de travailler en coalition avec les organisations alliées afin d’exercer une influence politique significative sur la politique montréalaise et régionale.
La condition féminine constitue aussi un front de lutte névralgique depuis des décennies où des avancées certaines ont été réalisées. La campagne pour les garderies publiques, qui remonte aux années 1970, en est un exemple frappant, la persévérance des militantes du comité du Conseil central ayant contribué à la création, 25 ans plus tard, du réseau des centres de la petite enfance.
Depuis les années 1970, le conseil central a joué un rôle important en solidarité internationale. Il a ainsi été à l’origine d’importantes campagnes internationales d’appui au peuple chilien à la suite du coup d’État de 1973, ainsi qu’au peuple palestinien dans sa lutte contre l’oppression israélienne, dossiers qui continuent d’occuper le comité. Ce dernier est à l’origine de la Conférence internationale de solidarité ouvrière, en 1975, devenue par la suite le Centre international de solidarité ouvrière (CISO), LIEN une organisation toujours très active.
Années 1990-2000
Historiquement, les comités des fronts de lutte ont joué un rôle non négligeable dans plusieurs dossiers sociaux d’importance. On peut entre autres penser au dynamisme des militantes et militants du comité LGBT+, appelé à l’époque le comité des gais et lesbiennes, dans la lutte pour la reconnaissance des conjoints puis du mariage entre personnes du même sexe durant les années 1990 et 2000. La défense des droits des personnes LGBT+ est un exemple éloquent de la manière dont l’action des fronts de lutte du CCMM-CSN peut exercer une influence profonde sur la CSN : alors que cette défense est maintenant un enjeu consensuel au niveau confédéral, ce sont initialement les délégué·e·s du CCMM-CSN qui ont porté cette cause et convaincu le congrès de la CSN de son importance.
Le comité de la condition féminine a aussi joué un rôle important dans l’organisation de la marche Du pain et des roses en 1995, devenue aujourd’hui la Marche mondiale des femmes.
Au début des années 2000, notons la participation aux manifestations contre la Zone de libre-échange américaine lors du Sommet de Québec en 2001, où plus de 2000 militantes et militants des syndicats affiliés au CCMM-CSN se sont rendus à Québec pour manifester leur opposition à l’hégémonie néolibérale.
2010 à aujourd’hui
Plus récemment, ce sont les luttes pour la défense des services publics et contre l’austérité qui ont suscité les plus grandes mobilisations politiques au CCMM-CSN. Des campagnes régionales et nationales ont donné lieu à de nombreuses actions, des manifestations de masse aux occupations d’institutions financières. La journée du 1er mai 2015 a été particulièrement marquante à cet effet, alors que des manifestations et des actions ont été organisées partout sur l’île de Montréal durant toute la journée, certains syndicats allant jusqu’à adopter des mandats de grève politique.
Au cours des dernières années, des conflits de travail comme celui au Journal de Montréal en 2010, à l’Hôtel des Gouverneurs de la Place Dupuis et à la SAQ en 2016-2017 ainsi que dans les centres de la petite enfance en 2018, ou encore du front commun en 2023-2024 ont impliqué des centaines sinon des milliers de grévistes. Ceci illustre bien l’importance du travail effectué par le Conseil central du point de vue de la mobilisation, tant par son ampleur que par son intensité.
Dans les dernières années, le dossier de l’environnement s’est imposé. Le comité environnement a été très actif, notamment par une participation soutenue aux travaux du Front commun pour la transition énergétique et une contribution à l’organisation de diverses actions, dont la manifestation monstre du 27 septembre 2019.
À plusieurs égards, le Conseil central a joué au cours du dernier siècle le rôle de fer de lance dans des luttes ayant mené à des avancées en faveur de l’égalité des droits, de la justice sociale et de la démocratie pour l’ensemble de la population, syndiquée ou non.
Une chose est sûre: ce n’est que par l’unité, la solidarité et la mobilisation de l’ensemble des forces progressistes de la société que nous viendrons à bout des systèmes économiques et politiques qui se fondent sur l’exploitation des êtres humains et de la nature, les inégalités et l’injustice. En ce sens, le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN poursuivra ses luttes en solidarité avec toutes les organisations et les personnes qui souhaitent agir pour que notre société devienne plus juste, plus inclusive, plus démocratique et plus écologique!
Les présidences du CCMM–CSN :
- Alfred Charpentier (1920-1922) – Briqueteur
- Didace Pilon (1922-1926) – Carrossier
- Clovis Bernier (1926-1931)
- Alfred Charpentier (1931-1935)
- Philippe Girard (1935-1939) – Syndicat de la compagnie de tramway
- J.B. Delisle (1939-1942)
- Philippe Girard (1942-1943)
- G.A. Gagnon (1943-1947)
- H. Laverdure (1947-1961) – Briqueteur
- Gérard Picard (1961-1966) – Journaliste
- René Cadieux (1966)
- Dollard Généreux (1966-1968) – Électricien
- Michel Chartrand (1969-1978) – Imprimeur
- André Lauzon (1978-1980) – Travailleur à l’usine de papier Perkins
- Gérald Larose (1980-1983) – Organisateur communautaire
- Irène Ellenberger (1983-1985) – Conceptrice visuelle
- Pierre Paquette (1985-1991) – Enseignant
- Sylvio Gagnon (1991-1993) – Travailleur à la Canadian Gypsum
- Arthur Sandborn (1993-2006) – Organisateur communautaire
- Gaétan Châteauneuf (2007-2013) – Mécanicien à la Société de Transport de Montréal (STM)
- Dominique Daigneault (2013 – …) – Professeure de cégep en techniques de travail social